Amis lecteurs,
ne croyez pas à une faute d’orthographe dans le titre de cet article. Même si vous ne trouvez le mot boge dans le grand Larousse illustré, cet mot respectable a fait l’objet d’une rédaction dithyrambique d’un petit écolier de Saint-Michel-de-Chabrillanoux (Ardèche) dans les années 1950. A la question « Quel est selon toi, l’objet ou l’outil qui est le plus utile à ton père ? Pourquoi ? » posée par son instituteur, le jeune garçon a répondu :
Malgré le béchard et le lichet, l’objet qui est le plus utile à mon père est la boge. Vous croyez, maître, que la boge ne sert qu’à remiser les tartifles, les combales et les garinches, hé bien, pas du tout ; elle sert à beaucoup d’autres choses! Mon père en met toujours une pour se protéger quand il plusique. Il y en a toujours une accrochée à une pointe sous le calabert ou posée sur le pressoir à la cave. Ca évite aussi que le purin dégouline dans son cou quand il charrie le fumier dans les échanous avec la besse et le coulassou. L’inconvénient c’est que la boge peut l’entrabler et qu’il risque de se barunler ou de s’espanler. Mon père utilise toujours une boge comme coussin et il s’assoie dessus quand il enchape sa daille. Quand il s’ajare pour greffer ses pêchers, il met aussi une boge pour éviter de s’égraougner les genoux. Quand il fait sa sieste sous le tilleul, il en met une sur le banc avant de se jaïre dessus, mais ça le fait ronfler. Et, pour ramasser le rebrou, il utilise encore une boge accrochée à une branche. La boge pendole, et elle est munie d’un cerceau en châtaigner pour la garder ouverte. On verse ensuite le rebrou dans le bourrin pour le charrier.
La boge permet de transporter beaucoup de choses. Quand on va à la foire de St Sauveur du 5 septembre, on y met le petit cayou tout migraillou acheté après le marchandage, mais il n’est pas bien content et il couine et repite pendant tout le trajet. La boge permet de remiser les feuilles de choux, les tartiflous et toutes les ploumailles pour pas qu’elles se pétafinent, et on peut les faire cuire dans la chaudière ou dans la grande oule.
Après, on escachine le tout dans le bachat à l’aide du pestaillet et cette hachassée permet de nourrir le cayou qui s’est bien remplumé depuis le 5 septembre. Quand les vaches font leur petit bouillou, la boge est très utile pour le tirer par les pattes, car elles sont gluantes et ça glisse. Avec quelques pataris de boge qui crament dans un bouffaïre, il n’y a rien de mieux pour ensuquer les abeilles et les rendre moins méchantes.
Quand elle fait la lessive à la fontaine, ma mère s’en sert aussi comme coussin sous ses genoux pour éviter qu’ils trempent dans le petit gouillassou qui se forme à cause de l’eau qui giscle. Moi aussi, j’utilise une boge pour transporter mes babés après les avoir ramassés dans un billot.
A la vogue, il y a des courses où les enfants ont les jambes entrablées dans une boge et c’est le premier qui arrive qui gagne. L’hiver, on bouche aussi certains frachous avec une boge pour pas que le froid rentre.
Ah, j’ai oublié que la boge sert aussi pour mettre la jagne quand on va faire la goutte. Pour moi, la boge est bien indispensable pour tous les travaux. Le seul inconvénient, c’est que les rats y font des trous et qu’on est obligé de les pétasser.
Ce morceau de bravoure a été publié par Gérard COSTE dans le journal municipal de Pranles. Cette rédaction est un témoignage de la période où le monde rural ardéchois est passé du patois vivaro-alpin au français. On ne peut que s’émouvoir devant le travail restant à accomplir pour le malheureux instituteur !
Mais au fait … qu’est-ce donc qu’une boge ? J’attends vos réponses, voire vos traductions.
Je publierai prochainement une traduction de ce texte (grâce à l’aide de mon père, qui a lui-même connu ce passage patois / français).
Je remercie Gisou de nous avoir fait découvrir cette rédaction pleine de charme.
Bonjour,
Je suis aussi un ancien élève de l’école de ST MICHEL DE CHABRILLANOUX… Le texte ci dessus est un véritable trésor, et bien représentatif des expressions locales que nous sommes quelques uns à utiliser parfois, pour certaines d’entre elles…
La boge: sac en toile de jute, aux usages multiples dans ces années là, c’est vrai!